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La revue Lutte de Classe n°227 a publié un texte intitulé « L'ex-Secrétariat unifié face à la guerre en Ukraine ». N'étant pas membre de cette organisation et étant par ailleurs opposé au mot d'ordre d'« écosocialisme » dont celle-ci a fait son objectif central, je pourrais ignorer ce long réquisitoire.
Malheureusement ce texte vise bien au-delà. Il vise en fait les militants révolutionnaires qui se positionnent en soutien au peuple ukrainien et à lui seul.
On comprendra donc les raisons de cette réponse.
Le premier angle d'attaque de LO est de dénoncer le SU qui voit dans la dictature de Poutine « un régime capitaliste oligarchique, autocratique et impérialiste dont le but est la reconstitution de l'Empire russe ».
Pour LO, la Russie demeure un État de type ouvrier dégénéré, dominé par une bureaucratie : « La société et l'économie russes actuelles ne sont pas les produits de l'évolution organique du capitalisme parvenu au stade impérialiste ». Tout ceci aboutit à dénoncer le SU, qui considère désormais que le capitalisme a été restauré dans ce pays. Selon LO, le SU « prend le contre-pied de Lénine ou de Trotsky ».
L'enjeu de cette discussion est considérable. S'il existe en Russie un État de type ouvrier, même dégénéré, il doit être défendu. En 1938, le programme de la IV° Internationale dit « de transition » ne se prononçait-t-il pas pour la défense de l'URSS pour cette raison ?
Mais depuis l'écriture de ce texte, et de tant d'autres, de Trotsky et d'autres, l'Histoire a suivi son cours, dans un sens d'ailleurs anticipé par ledit programme.
Relisons donc d'abord le programme. Celui-ci explicite précisément ce que signifie la caractérisation d'État ouvrier dégénéré.
« Si demain la tendance bourgeoise-fasciste, bref la "fraction Boutenko", entre en lutte pour la conquête du pouvoir, la "fraction Reiss" prendra inévitablement sa place de l'autre côté de la barricade. Se trouvant momentanément l'alliée de Staline, elle défendra, bien entendu, non pas la clique bonapartiste de celui-ci, mais les bases sociales de l'URSS, c'est-à-dire la propriété arrachée aux capitalistes et étatisée. Si la "fraction Boutenko" se trouve en alliance militaire avec Hitler, la "fraction Reiss" défendra l'URSS contre l'intervention militaire, à l'intérieur de l'URSS, aussi bien que sur l'arène mondiale. Toute autre conduite serait une trahison ».
Étant entendu que le moteur des contradictions qui minaient la bureaucratie n'avaient rien de mystérieux :
« Les privilèges que l'on ne peut léguer à ses enfants perdent la moitié de leur valeur. Or, le droit de tester est inséparable du droit de propriété. Il ne suffit pas d'être directeur de trust il faut être actionnaire. La victoire de la bureaucratie dans ce secteur décisif en ferait une nouvelle classe possédante » [1] .
Or force est de constater que depuis 1991, les bases sociales décrites par Trotsky ont disparu. Selon l'économiste C. Durand :
« Alors qu'au début de la décennie la quasi-totalité de la production relevait du secteur étatique, dès 1998 environ 70 % du PIB est produit dans le secteur privé » [2] .
En fait même l'URSS a disparu sous la présidence Eltsine (1991-99). L'État – certes profondément dégénéré – qui plongeait ses racines dans la révolution de 1917 a été disloqué et remplacé par celui des oligarques, de la nouvelle bourgeoisie surgie des entrailles de la bureaucratie stalinienne, la Fédération de Russie.
En ce qui concerne cette discussion, notons que la chute de l'URSS a abouti à ce que le gros des républiques périphériques de la Russie quittent l'Union. Dès janvier 1991, les pays baltes prennent leur indépendance. Puis ce sera l'Ukraine, la Biélorussie ... En décembre, la Communauté des États Indépendants sera constituée : on peut la voir comme le cercueil (rabougri) de la vieille Union Soviétique. Elle ne durera d'ailleurs pas.
Pour résumer, Eltsine liquida l'URSS, puis il quitta la scène, épuisé, tel un raisin qu'on avait fini de presser.
Arriva alors Poutine, formé au cœur de la bureaucratie, le KGB, et porteur d'un programme "bourgeois-fasciste" ainsi que l'envisageait le programme sous le terme de "fraction Boutenko". On peut synthétiser son orientation par la restauration de la puissance du Kremlin mais sous une forme capitaliste et mafieuse, le chauvinisme grand'russe tant dénoncé par Lénine, une exploitation radicale du prolétariat russe et la terreur contre les opposants. Évidemment, l'État de Poutine tient en laisse ses propres capitalistes comme l'a montré l'affaire Khodorovsky. En ce sens, il ne semble pas inexact de parler de capitalisme d'État (parler d'impérialisme est plus discutable).
Répétons-le donc : la restauration du capitalisme en Russie est établie, selon des modalités largement anticipées par la IV° Internationale. La bureaucratie a pu se transformer en bourgeoisie ainsi que l'envisageait Trotsky.
Ce qui signifie notamment que concernant la Russie, il n'y a plus propriété d'État à défendre, la ligne de la défense de l'URSS est caduque depuis plus de 20 ans. Et écrire cela ne revient en aucun cas à renier les apports de Lénine-Trotsky, tout au contraire !
Avant de focaliser sur la question spécifique de l'Ukraine, il faut revenir sur les principes du mouvement ouvrier concernant la question nationale, les peuples dominés, etc.
On sait que la défense des peuples dominés fait partie de l'ADN du mouvement ouvrier :
« (...) à l'opposé des proudhoniens, qui "niaient" la question nationale "au nom de la révolution sociale", Marx mettait au premier plan, (...), le principe fondamental de l'internationalisme et du socialisme : un peuple qui en opprime d'autres ne saurait être libre » [3] .
Mais quiconque a eu affaire à LO connaît l'aversion de cette organisation pour les revendications nationales, fussent-elles celles de peuples dominés. Récemment encore, on a pu lire de cette organisation
« Le droit des peuples à l'autodétermination cache-sexe d'une politique d'alignement derrière la bourgeoisie (...)
« (...) c'est une véritable tromperie d'évoquer les États actuels, y compris l'Ukraine (...) comme incarnation du droit des peuples à disposer librement d'eux-mêmes. Alors même que l'Ukraine ressemble de plus en plus à un protectorat des États-Unis !
Prendre prétexte de la souveraineté des Ukrainiens permet aussi de dissimuler qu'il y avait et qu'il y a des riches et des pauvres, des travailleurs et des profiteurs, en Ukraine comme ailleurs. » [4] .
Lénine, auteur d'une brochure titrée « La révolution socialiste et le droit des nations à disposer d'elles-mêmes » et d'un nombre incalculable d'articles sur la même ligne aurait apprécié...
Dans le même ordre d'idées, on peut lire dans l'article de la LdC n°227 que
« Se vouloir hors-sol par rapport à la lutte de classe convient parfaitement à la petite bourgeoisie intellectuelle occidentale, russe ou ukrainienne à laquelle s'adresse l'ex-SU. Aussi, dans cette guerre, il ne se place pas sur le seul terrain qui importe aux communistes révolutionnaires : celui des intérêts des travailleurs, qu'ils soient d'Ukraine, de Russie ou d'ailleurs ».
« Le seul terrain qui importe », celui des revendications de classe... Allez dire ça aux prolétaires ukrainiens confrontés aux crimes de masse, aux tortures, aux campagnes de terreur orchestrées par le Kremlin ! On ne saurait trop conseiller à celui qui a pondu de telles sottises de relire ses classiques. Un seul exemple parmi tant d'autres :
« Le programme de la démocratie ouvrière dans la question nationale, le voici : suppression absolue de tout privilège pour quelque nation et quelque langue que ce soit; solution du problème de l'autodétermination politique des nations, c'est-à-dire de leur séparation et de leur constitution en État indépendant, par une voie parfaitement libre, démocratique; promulgation d'une loi générale de l'État en vertu de laquelle toute disposition (...) qui accorderait quelque privilège que ce soit à une des nations, qui violerait l'égalité en droits des nations ou les droits d'une minorité nationale, serait déclarée illégale et nulle, tout citoyen de l'État ayant le droit d'exiger l'abrogation d'une telle disposition comme contraire à la Constitution, ainsi que des sanctions pénales à l'encontre de ceux qui s'aviseraient de la mettre en pratique » [5] .
C'est dans cette trajectoire politique que se situent les militants qui soutiennent le peuple ukrainien (le peuple, pas le gouvernement) dans sa lutte contre l'agression du Kremlin.
« Pas un démocrate, pour ne rien dire d'un socialiste, n'osera contester l'entière légitimité des revendications ukrainiennes. Pas un démocrate, de même, ne peut nier le droit de l'Ukraine à se séparer librement de la Russie : c'est précisément la reconnaissance sans réserve de ce droit, et elle seule, qui permet de mener campagne en faveur de la libre union des Ukrainiens et des Grands-Russes, de l'union volontaire des deux peuples en un seul État. (...)
La démocratie révolutionnaire de la Russie doit, si elle veut être vraiment révolutionnaire, si elle veut être une vraie démocratie, rompre avec ce passé, reconquérir pour elle-même et pour les ouvriers et les paysans de Russie la confiance fraternelle des ouvriers et des paysans d'Ukraine. On ne peut pas y arriver sans reconnaître dans leur intégrité les droits de l'Ukraine, y compris le droit de libre séparation » [6] .
Ainsi s'exprimait Lénine en 1917, et il mena une politique en conséquence. Mais elle fut abandonnée à sa mort, et l'Ukraine fut victime de la politique stalinienne : la grande famine de 1932-33, dont Staline porte l'essentiel de la responsabilité, fit plusieurs millions de morts. Prenant en compte ces désastres, sur la fin de sa vie, Trotsky prit position pour l'indépendance du pays – s'en tenir à l'autodétermination étant devenu intenable :
« Le fait que les éléments démocrates ukrainiens hors d'Union soviétique se soient détournés d'elle est d'une importance politique énorme. Quand le problème ukrainien s'est aggravé au début de l'année, on n'entendait pas du tout les voix communistes, mais celles des cléricaux et socialistes nationaux ukrainiens résonnaient fort. Cela signifie que l'avant garde prolétarienne a laissé le mouvement national ukrainien lui glisser des mains et que ce mouvement a progressé très avant sur la voie du séparatisme » [7] .
Ces évolutions furent évidemment contenues durant l'après-guerre sous la chape de plomb du stalinisme. Mais dès la dislocation de l'URSS, la population exprima son aspiration à l'indépendance sans ambiguïté (en 1991, 90 % des inscrits votèrent pour l'indépendance lors du référendum).
Dans ce contexte, il faut revenir sur la question linguistique. On lit dans le texte de LO :
« Afin d'étayer la fable d'un régime démocratique, la Déclaration de l'ex-SU passe sous silence le fait que l'État ukrainien de Porochenko puis Zelensky a supprimé l'enseignement public dans les langues des minorités hongroise, roumaine, polonaise – un système datant de l'URSS – et dans la langue d'une grande partie des travailleurs du pays, le russe. Cette omission de l'ex-SU vise à ménager Sotsialny Roukh (SR), qui en tient pour l'emploi exclusif de l'ukrainien dans la sphère publique. Il rejoint en cela la position des nationalistes et de la petite bourgeoisie intellectuelle, à laquelle importe plus d'imposer le principe « un seul État, une seule langue » que de respecter la démocratie, même formelle, pour les classes laborieuses ».
LO ne fait là que reprendre à son compte la propagande poutinienne. En fait, l'usage de l'ukrainien a été l'objet de débats (dont le rédacteur de l'article aurait eu vent s'il avait simplement fait une recherche sur Internet). Sans plonger trop loin dans l'Histoire, on peut citer ce que l'historien JJ Marie décrit des années léninistes de l'URSS :
«L'ukrainisation
Tous les employés de l'État doivent sous peine de licenciement apprendre l'ukrainien dans un délai d'un an. L'enseignement et les publications en ukrainien sont systématiquement développés. En 1926, le nouveau secrétaire du PC ukrainien Kaganovitch, exige que tout l'appareil de l'État soit ukrainisé. Toutes ces mesures aboutissent à ce qu'en 1927, 70 % des actes officiels sont rédigés en ukrainien contre 20% en 1925 (...). en 1929, 83 % des écoles primaires et 66 % des écoles dites moyennes ou collèges délivraient leur enseignement en ukrainien. En 1932, 88 % des publications périodiques et 77 % des livres publiés en Ukraine l'étaient en ukrainien. (...). L'historien canadien d'origine ukrainienne Serguei Ekeltchik conclut de ces faits : « le pouvoir soviétique a contribué à l'achèvement du processus de formation d'une nation ukrainienne ».
C'est en fait à la politique léniniste, haïe à juste titre par le nouveau satrape du Kremlin, que s'en prend LO. C'est n'est déjà pas rien pour une organisation qui se dit « trotskyste », mais il y a pire.
On trouve sur Internet de nombreux articles universitaires relatifs à l'usage de l'ukrainien. L'un d'entre eux [8] , dont la lecture est recommandée, rappelle que
« L'extension de deux ou plusieurs langues dans un pays témoigne [...] d'un équilibre incertain qui risque un jour soit d'amener au monolinguisme, soit à la division du pays par le critère linguistique ».
D'où la revendication ukrainienne de prioriser la langue du pays – rappelons que c'est aussi ce que fit la bourgeoisie française pour imposer la République.
Évidemment, sur ce terrain comme sur tant d'autres, le stalinisme renoua avec la politique tsariste de stigmatisation de l'usage de l'ukrainien – d'où le fameux « système datant de l'URSS » que regrette LO dans son texte. Il fut reproché à ses défenseurs de porter atteinte aux droits des minorités nationales, notamment des Russes (on n'est donc pas loin de ce qu'affirme LO ci-dessus). Dans les années 50, l'ukrainien fut même classé comme « non-perspective ». Et l'auteure commente :
« Ce classement mena à l'assimilation des Ukrainiens aux Russes et à la prépondérance du russe. La notion de « peuple soviétique », avec une seule et unique langue, se consolida ».
Et au final :
« Dans ces conditions, l'usage de l'ukrainien était considéré par beaucoup comme un trait caractéristique d'individus incultes. Son utilisation se limitait à la sphère familiale, à certaines œuvres originales de la littérature ukrainienne, à certaines publications en sciences humaines (surtout la philologie ukrainienne), aux écoles maternelles et primaires en Ukraine occidentale, à quelques journaux et revues, et à la radio locale ».
Comme on le voit, la promotion du russe en Ukraine, c'était la politique des staliniens !
Mais l'histoire ne s'arrête pas là.
Depuis 1991, la question linguistique a été un terrain d'affrontements entre partisans de l'indépendance et partisans du Kremlin. En 1992, le président Ianoukovitch (poutinien) promulgua une loi visant à donner au russe un statut proche de celui de l'ukrainien [9] . Venant de Ianoukovitch, on devine que la mesure visait à amoindrir la signification de l'indépendance ukrainienne.
La mesure suscita des manifestations. Au final, c'est Zelensky, lui-même russophone, qui l'abrogea. Mais la position de SR semble parfaitement cohérente lorsqu'on étudie soigneusement la question, dans la lignée du léninisme.
Voilà à quelles erreurs politiques mène "l'internationalisme" de LO !
Sans emphase superflue, l'effondrement de l'URSS en 1991 marque un tournant dans l'Histoire du monde. Cet effondrement a une conséquence majeure : les États-Unis deviennent ipso facto la seule puissance mondiale.
Et évidemment, la période ouverte en 1991 se matérialise par le retrait progressif des positions tenues par le Kremlin – au profit des USA mais aussi de la Chine, puissance montante (même si elle n'est pas en mesure de concurrencer les USA à ce stade).
Toute une propagande « campiste » [11] se mène pour tenter d'expliquer l'opération « spéciale » de Poutine par les menées de l'OTAN, bras armé de l'impérialisme US en Europe, créée pour mettre en œuvre le partage du continent entre Washington et le Kremlin, l'ordre de Yalta et Potsdam.
Bien sûr, ces menées existent. Dès 1994, Brzezinski, une sommité américaine en matière de politique étrangère, formula un programme de démantèlement de la Russie en 3 États-croupion, la Russie d'Europe, la République de Sibérie et la République d'Extrême-Orient. Peut-être est-ce d'ailleurs ce qui se joue actuellement.
Parallèlement, l'OTAN a poussé ses pions en Europe de l'Est, remplaçant peu à peu les forces du Kremlin, incapables de tenir leur rôle.
Et ne soyons pas dupes : tout ceci s'est fait avec le soutien massif des populations locales, qui veulent dans leur grande majorité se dégager de la tutelle de Moscou pour rejoindre l'UE et l'OTAN sous une forme ou autre. « Octobre (1917) vit dans la conscience des masses » expliquaient les trotskystes : il y a bien longtemps que ce n'est plus le cas.
Porteur d'un programme de restauration de la puissance russe, Poutine ne pouvait rester indifférent à ces pertes de position – la domination russe sur l'Europe de l'Est a quasiment disparu, faisant de la Russie une puissance de seconde zone.
Jusqu'en 2007, les relations russo-américaines, donc avec l'OTAN, étaient relativement sereines. Pourtant en 2003, l'arrivée au pouvoir d'un pro-américain, Sakachvili, en Géorgie, et la « révolution orange » en Ukraine tendent les rapports. En l'absence de mouvement ouvrier dans ces pays, il ne peut en être autrement. D'où le discours de Poutine de 2007 à Munich, où il dénonce « l'unilatéralisme » américain. C'est une première inflexion.
Puis viendront les révolutions arabes. Pour Moscou, aucun doute : sans intervention du Kremlin, la chute des dictatures égyptiennes, libyennes, etc. mènerait à l'instauration de régimes soumis à Washington, et à la finalisation de l'expulsion (déjà bien avancée) de la Russie de cette région du monde.
D'où le refus de Poutine (qui dut « corriger » Medvedev alors président) de soutenir à l'ONU l'intervention militaire impérialiste en Libye. La chute de Khadafi ne devait surtout pas mener à l'établissement d'un régime pro-occidental. Puis il y eut la Syrie...
Venons en à l'Ukraine.
En 1991, le pays accède donc à l'indépendance, avec toutes ses limites. Selon LO :
« L'Ukraine, pays indépendant ? Mais de qui, de quoi ? Pas des oligarques qui le pillent. Ni de Zelensky qui sert ces prédateurs. Et moins encore des grandes puissances impérialistes, dont seule l'aide financière permet depuis des années à l'État ukrainien de boucler ses fins de mois. (...) Et puis, comment pourrait-il y avoir d'Ukraine indépendante, quand sa survie dépend du soutien militaire décisif des pays impérialistes ? »
Éclairons donc notre « internationaliste ». Il est incontestable que la décomposition de l'URSS et de la République Socialiste d'Ukraine aboutit à un État profondément décomposé, gangrené par une corruption record (le Kremlin n'y est pas pour rien, avec ses trafics autour du gaz). Mais l'aspiration des Ukrainiens à disposer d'eux-mêmes n'en demeure pas moins décisive. Et que dire de la liberté de parler sa propre langue ? De disposer de sa propre presse ? Croit-il que sous Poutine, ce serait toléré ? Il faut d'ailleurs insister sur le fait que la brutalité, la corruption du régime de Poutine sont un facteur qui renforce l'aspiration des Ukrainiens à se distancer autant que possible de Moscou. Comment s'en étonner ?
« De toutes les formes de dictature, la dictature totalitaire d'un conquérant étranger est la plus intolérable » [12] .
écrivait Trotsky. Sans doute le rédacteur de LO devrait-il méditer cette pensée élémentaire...
Cela dit, revenons à l'Histoire récente. En 2004, face aux trucages des élections, a lieu la pseudo-révolution orange, qui mène au pouvoir le pro-occidental Iouchtchenko, dont le bilan sera calamiteux. Puis en 2010, Ianoukovitch, lié au Kremlin le remplace. Comme on s'en doute, la situation a encore empiré, notamment sur le plan économique.
Arrivent les évènements de Maïdan (janvier 2014), déclenchés par la décision de Ianoukovitch de ne pas signer un accord d'association UE-Ukraine, et de préférer une alliance avec la Russie. Ce sont donc des manifestations pro-impérialistes, dans lesquelles l'extrême-droite jouait un rôle incontestable. Mais encore une fois : il ne fait aucun doute que la masse des Ukrainiens souhaitait l'association avec l'UE. Au final, Ianoukovitch, chassé du pouvoir, part en Russie. Porochenko, « pro-occidental », le remplace.
A ce stade, au Kremlin, plus aucune illusion n'est possible. Sans intervention militaire, l'Ukraine finira dans le giron des impérialismes occidentaux. D'où l'annexion de la Crimée (l'accès aux mers chaudes est une obsession traditionnelle de la diplomatie russe). Par ailleurs, Poutine suscite un indépendantisme pro-russe dans l'Est du pays. La guerre commence (14 000 morts selon la presse).
C'est dans ce contexte que seront échafaudés les accords de Minsk, sous la houlette de Paris et Berlin. Selon Le Monde,
« Ces accords étaient globalement favorables à la Russie et plaçaient l'Ukraine sous une pression permanente, mais de nombreux points n'ont jamais été suivis d'effet » [13] .
Toute une frange (souvent des orphelins du stalinisme ou des souverainistes) se revendique pourtant de ces accords. Ce sont souvent les mêmes (rédaction du Monde Diplomatique, etc.) qui préconisent aujourd'hui de « négocier » avec Poutine, pour lui éviter une « défaite humiliante » – donc de trouver un deal avec le Kremlin nécessairement aux dépens des Ukrainiens [14] . Évidemment, comme LO, les mêmes évitent soigneusement de se prononcer pour la défense de l'intégrité de l'Ukraine (le cas de la Crimée étant à clarifier).
En tout cas, depuis 2015, la crise s'eest poursuivie à l'ouest et a abouti à l'élection de Zelensky avec un score triomphal, quoiqu'on pense de son programme (libéral). Pour le Kremlin, c'était une confirmation. Aucune solution politique respectant les intérêts du régime des oligarques n'était possible : il fallait rayer l'Ukraine de la carte et faire régner l'ordre de Poutine dans le pays.
D'où l'« opération spéciale » enclenchée le 24 février 2022.
Ainsi s'exprime le groupe> Sotsialny Roukh (SR), et ça semble beaucoup chagriner LO. C'est pourtant un fait, comme on l'a vu. D'ailleurs les « pacifistes », c'est-à-dire les partisans d'une conciliation avec le Kremlin, n'ont rien à redire à tout ceci. Ainsi en est-il du député POI, J. Legrave :
«Factuellement, c'est Poutine qui a ordonné à son armée, à ses tanks de franchir la frontière ukrainienne. C'est un fait. Et évidemment, c'est inacceptable » [15] .
Logiquement, ceci devrait aboutir à caractériser la guerre de Poutine comme un agression du Kremlin contre un peuple traditionnellement dominé par le Kremlin.
Mais comme de nombreux groupes de gauche, LO nous sert la chanson de la responsabilité de l'OTAN dans les évènements d'Ukraine « si on voit les choses en profondeur ». Comme on l'a vu, tout ceci est intenable. On est face à une dictature sordide, mafieuse essayant de préserver son pré carré. Point.
Que la pression de l'OTAN ait eu son rôle (ce qui justifie de s'opposer à l'atlantisme) est exact. Mais rejeter sur l'OTAN la responsabilité de l'« opération spéciale » de Poutine est intenable. Encore une fois, ce qui explique la guerre de Poutine, c'est le refus ukrainien de se soumettre au Kremlin depuis 2014. Le reste existe, mais en arrière-plan.
Concernant le gouvernement Zelinsky, LO écrit que
« (...) prétendre que Kiev préserverait la démocratie, même formelle, c'est une fable. » [16]
Gouvernement bourgeois, pro-impérialiste, le gouvernement Zelensky ne saurait être politiquement soutenu par les militants anticapitalistes, trotskystes. En fait, ce gouvernement est effectivement le relais de l'impérialisme US dans le pays, aucun doute là-dessus, et Zelensky ne s'en cache pas, il s'est même fait élire sur ce programme.
Ceci étant, mettre sur le même plan le gouvernement ukrainien et la dictature de Poutine est intenable.
Dans un cas, nous sommes face à un régime démocratique bourgeois, certes brinquebalant, mais où les libertés essentielles sont assurées. Dans l'autre, il s'agit d'une dictature policière sinistre (et mafieuse). Quoiqu'on pense de ses travaux, par exemple, imagine-t-on un congrès de Sotsialny Roukh se tenir à Moscou ? Existe-t-il des prisons politiques en Ukraine ? Enfin, aucun écho n'est revenu jusqu'à nous concernant des entraves à la liberté de la Presse.
Pourtant LO défend une orientation identique face aux deux pouvoirs :
« S'agissant des militants de SR, il leur faudrait, outre tenir pour ennemi le régime poutinien, voir comme tel l'État ukrainien, celui de Zelensky et des oligarques, celui qu'arment et inspirent les États impérialistes. Or ce n'est pas le cas ».
Là encore on est estomaqué par l'ignorance des acquis du trotskysme que démontrent de telles lignes. Qu'aurait dit LO à l'auteur d'un tel passage ?
« Dans le cas où la bourgeoisie de l'Inde se trouve elle-même obligée à faire le moindre pas sur le chemin de la lutte contre la domination arbitraire de la Grande-Bretagne, le prolétariat soutiendra naturellement un tel pas » [17] .
Et
« (...) cela ne veut pas dire qu'il faille rester indifférent aux méthodes politiques actuelles de l'impérialisme. Dans tous les cas où les forces contre-révolutionnaires essayent de s'éloigner de l'État "démocratique" en décomposition pour revenir en arrière vers les particularismes nationaux, la monarchie, la dictature militaire, le fascisme - le prolétariat révolutionnaire, sans assumer le moins du monde la responsabilité de la "défense de la démocratie" (...) résistera les armes à la main à ces forces contre-révolutionnaires pour ensuite, en cas de victoire, diriger l'offensive contre la "démocratie" impérialiste » [18] .
Nous ne partageons donc pas l'obsession naïve de LO consistant à mettre sur le même plan le gouvernement ukrainien, dont le programme ne saurait être nôtre, et celui du Kremlin. Notre obsession à nous, c'est la défense de l'intégrité de l'Ukraine, dans la continuité de la politique communiste élaborée depuis le début du XX° siècle.
Tout aussi indispensable est le fait de ne pas prendre des vessies pour des lanternes.
« le régime (Zelensky - PM) ne ménage pas sa complaisance à l'extrême droite, mais réserve les rigueurs de la loi à quiconque se revendique du communisme, de la lutte de classe ou de la révolution » [19] .
Une loi a bien été votée en 2015, proscrivant symboles nazis et communistes. Une organisation ouvrière ne peut qu'y être opposée. Mais il est bien exagéré d'affirmer que le gouvernement ukrainien s'en prend à « quiconque se revendique de la lutte de classes ». La poignée de militants de SR, les anarchistes, ne remontent rien de tel. Cette loi, tout autant que la confusion politique dans laquelle sont les ukrainiens en conséquence du stalinisme, obligent à d'inévitables précautions de langage. Sans doute est-ce difficile à appréhender du fond d'un bureau de la banlieue parisienne...
Ceci dit, ces lois visent bien des courants (très affaiblis) qui se réclament de temps en temps du communisme (on n'est pas obligé de les croire sur parole). Ces groupes, se situant en solidarité avec le Kremlin, sont essentiellement ce qui reste du PC d'Ukraine, du parti de la bureaucratie, elle-même de nature bourgeoise, et partisane du chauvinisme grand'russe. Mais peut on parler de ces groupes comme d'authentiques organisations appartenant au mouvement ouvrier ? Leur raison d'être est au contraire de détruire les organisations ouvrières authentiques.
« Il faut apprendre à distinguer » conseillait Trotsky à un contradicteur... Visiblement le conseil gagnerait à être médité aussi du côté de LO...
Quels étaient les objectifs de la guerre ? Pour LO
« Le Kremlin a envahi l'Ukraine avec un objectif affiché : obtenir sa neutralité et la garantie que l'Otan n'y installera aucune base » [20] .
On ne peut là encore que constater l'extrême modération de ces lignes, là encore d'une évidente complaisance envers la Russie, dont est reprise l'argumentation.
Il faut d'ailleurs prendre la mesure de jusqu'où va LO en citant encore la même LdC :
« L'ex-SU le sait (que les USA veulent la partition de la Russie – Morsu) , mais refuse a priori que l'invasion de l'Ukraine puisse être un acte d'auto-défense du Kremlin ».
Il faudrait prendre au sérieux les « arguments » des défenseurs de Poutine, notamment staliniens ressortis du formol ! Le rédacteur de LO devrait se reprendre.
En tous cas, précisons que tous les analystes sérieux ont immédiatement relevé le caractère factice des justifications utilisant la pression de l'OTAN.
En fait, dans son texte « historique » du 21 février, Poutine énonçait ses objectifs :
« Le but de cette opération est de protéger les personnes qui, depuis huit ans, sont victimes d'intimidation et de génocide de la part du régime de Kiev.Et, pour cela, nous nous efforcerons de démilitariser et de dénazifier l'Ukraine (...) ».
Et il précisait :
« (...) l'Ukraine contemporaine a été entièrement et complètement créée par la Russie, plus exactement par la Russie communiste, bolchevique ».
En clair la légitimité de l'existence même de l'Ukraine était niée. Il s'agissait d'effacer l'indépendance du pays. L'objectif était de prendre le contrôle politique, stratégique, militaire du pays. Étant entendu que le démantèlement de ce territoire avait commencé en 2014, avec la Crimée et le tiers du Donbass. Tout ceci s'inscrivant dans un contexte de « restauration » de la Russie qui avait commencé bien plus tôt, en août 2008, lorsque deux régions séparatistes de Géorgie, l'Abkhazie et l'Ossétie du Sud, étaient passées sous le contrôle de Moscou, après une guerre d'agression russe, sans parler de la Tchétchénie. Ajoutons qu'il y avait quelque chose de mégalomaniaque à croire qu'une puissance, même surarmée, puisse avaler un pays de plus de 40 millions d'habitants.
La sale guerre de Poutine reste une contre le peuple ukrainien, qui mérite tout notre soutien.
En tout cas, à la surprise quasi-générale, l'Ukraine a tenu face à la guerre d'agression du Kremlin et Poutine a dû en rabattre.
Dans cette situation, les états-majors impérialistes se sont lancés dans une politique de soutien militaire massif à Kiev, pour des objectifs qui étaient les leurs : redessiner la carte de l'Est européen, arracher l'Ukraine au Kremlin ainsi que le préconisait déjà Breszinski.
Cette implication autorise LO et d'autres à voir dans la guerre telle qu'elle se déroule une guerre « russo-américaine », d'autres parlent de conflit inter-impérialiste – ce qui permet de nier la nécessité de tout soutien à l'Ukraine agressée.
Là encore, un facteur, par ailleurs indiscutable, est monté en épingle. Car il faut y insister : la raison des échecs du Kremlin, c'est d'abord la résistance du peuple ukrainien, qui combat pour son droit à l'existence, quelle que soit par ailleurs sa désorientation. Sans cette résistance, les milliards de l'impérialisme ne serviraient à rien.
Rappelons à ce propos ce qu'écrivait Lénine à ce sujet :
« Le fait que la lutte contre une puissance impérialiste pour la liberté nationale peut, dans certaines conditions, être exploitée par une autre "grande" puissance dans ses propres buts également impérialistes, ne peut pas plus obliger la social-démocratie à renoncer au droit des nations à disposer d'elles-mêmes » [21]
Certains s'offusquent de cet armement au nom de la nécessité de « donner une chance à la paix ». D'autres pétitionnent pour arrêter de surarmer, parfois au nom du combat contre son propre impérialisme. La vérité est que l'absence de symétrie de la mesure reviendrait à affaiblir la résistance ukrainienne face aux troupes russes.
Il faut à l'inverse réaffirmer que le peuple ukrainien a toute légitimité à utiliser les secours d'où qu'ils viennent. A cette étape, la seule chose qui compte est de préserver l'intégrité du pays et de renvoyer les troupes de Poutine en Russie.
« Admettons que dans une colonie française, l'Algérie, surgisse demain un soulèvement sous le drapeau de l'indépendance nationale et que le gouvernement italien, poussé par ses intérêts impérialistes, se dispose à envoyer des armes aux rebelles. Quelle devrait être en ce cas l'attitude des ouvriers italiens ? (...) Les ouvriers italiens doivent-ils s'opposer à l'envoi de bateaux chargés d'armes pour les algériens ? Que quelque ultra-gauche ose répondre affirmativement à cette question ! Tout révolutionnaire, en commun avec les ouvriers italiens et les rebelles algériens, rejetterait avec indignation une telle réponse. Si même se déroulait alors dans l'Italie fasciste une grève générale des marins, en ce cas, les grévistes devraient faire une exception en faveur des navires qui vont apporter une aide aux esclaves coloniaux en rébellion ; sinon ils seraient de pitoyables trade-unionistes, et non des révolutionnaires prolétariens ».
Certains reprocheront sans doute aux défenseurs de cette méthode de déboucher sur un terrain de collaboration avec le gouvernement Macron. Trotsky répondait par avance à ce type « d'arguments » :
« (...) cela ne signifie-t-il pas que les ouvriers italiens adoucissent dans le cas présent leur lutte contre le régime fasciste ? Pas au moindre degré. Le fascisme ne peut apporter une « aide » aux algériens que pour affaiblir son ennemi, la France, et faire ensuite main basse sur sa colonie. Les ouvriers révolutionnaires italiens ne l'oublieront pas un seul instant. Ils appelleront les algériens à ne pas faire confiance à leur « allié » perfide et en même temps eux-mêmes poursuivront leur lutte intransigeante contre le fascisme, « principal ennemi à l'intérieur de leur propre pays ». C'est seulement ainsi qu'ils peuvent faire que les rebelles aient confiance en eux, aider la rébellion elle-même et renforcer leurs propres positions révolutionnaires » [22] .
Au final, quelle conclusion ?
C'est un fait : la désorientation politique est à son comble parmi les travailleurs d'Ukraine. L'absence de la moindre organisation exprimant les intérêts propres du monde du Travail combinée au bilan du stalinisme les a menés politiquement dans les bras de l'impérialisme.
Dans ce pays comme dans tant d'autres, rien de plus urgent que de travailler à la reconstruction d'une organisation de classe qui puisse avancer la perspective d'une Ukraine indépendante des puissance qui se déchirent pour son contrôle. Une organisation qui se fixe pour objectif de liquider le pouvoir des oligarques, de réorganiser la production sur la ligne de la satisfaction des besoins de la majorité. De ce point de vue, l'émergence d'un premier regroupement, s'il se confirme, à partir du syndicat du bâtiment est source d'espoir.
Mais la première condition de ce travail, c'est la préservation d'une Ukraine indépendante, et le départ des troupes russes du pays.
Ajoutons qu'une victoire ukrainienne aboutirait sans doute à l'effondrement de la dictature de Poutine. En l'absence d'organisation ouvrière, il va de soi que l'établissement d'un gouvernement des travailleurs en Russie comme en Ukraine est du domaine de la propagande mais n'est pas d'actualité immédiate.
Il n'en demeure pas moins que l'établissement des libertés démocratiques en Russie, leur élargissement en Ukraine (en particulier l'abrogation des mesures contre la propagande communiste) serait un point d'appui. Il est évidemment plus facile pour les travailleurs de construire leurs organisations de classe, partis, syndicat ou autres, lorsqu'ils disposent de la liberté de la Presse, d'organisation...
Espérons donc que le mouvement ouvrier saura s'écarter de ceux qui sous une forme ou une autre le poussent à refuser aux ukrainiens le soutien auquel ils ont droit.
Le 8.XI.2022
[1] Trotsky : la révolution trahie.
[2] C. Durand : Les privatisations en Russie ... (EHSS).
[3] Lénine : La révolution socialiste et le droit des nations à disposer d'elles-mêmes, 1916.
[4] Lutte de classe, n°225,
[5] Lénine : Notes critiques sur la question nationale, 1913. C'est nous qui soulignons.
[6] Lénine : Pravda, 15 juin 1917,
[7] Trotsky : L'indépendance de l'Ukraine et les brouillons sectaires, 30 juin 1939,
[8] N. Shevchenko : L'histoire du bilinguisme en Ukraine ... (2014).
[9] Le Monde, 5 juillet 2012.
[10] Formule de Brzezinski, ex-conseiller diplomatique du président Carter.
[11] Ceux qui raisonnent en termes de « camps » et non de classes. Ce qui aboutit au principe naïf de soutenir tout adversaire de l'impérialisme US, et au nom de cela, de se mettre aux basques de tout impérialisme concurrent (comme la Chine).
[12] Trotsky : Notre cap ne change pas, 25 juin 1940.
[13] Le Monde, 22 février 2022.
[14] Voir l'article Une gauche désarmée de S. Halimi, dans Le Monde diplomatique de Novembre 2022.
[15] Informations Ouvrières, 22 septembre 2022,
[16] LdC n°227.
[17] Trotsky : L'Inde devant la guerre impérialiste, 25 juillet 1939.
[18] Trotsky : Après Munich, une leçon toute fraîche, 10 oct. 1938.
[19] Ldc n°227.
[20] LdC n°224.
[21] Lénine : La révolution socialiste et le droit des nations à disposer d'elles-mêmes, 1916,
[22] Trotsky : Il faut apprendre à penser, 20 mai 1938,